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PIERRE WITTMANN

PIERRE WITTMANN

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Pierre Wittmann : Biographie détaillée

Grandes lignes

Né à Genève le 7 juillet 1943, d’une mère artiste peintre et d’un père écrivain, Pierre Wittmann étudie l’architecture à l’université de Genève : il est diplômé en 1970. Il crée en 1971 une société d’arts graphiques et d’édition, Cobama, qu’il dirige jusqu’en 1975, puis quitte Genève en 1976 pour s’installer en France, à Musiège en Haute-Savoie. Il se consacre alors principalement à la peinture, mais pratique aussi l’architecture, la sculpture et le design. Il entreprend plusieurs voyages d’étude aux États-Unis et en Amérique du Sud, avant de s’installer en 1981 à Paradise Valley en Arizona. Il découvre la Polynésie Française en 1983 et décide quelques mois plus tard d’aller vivre à Tahiti. Pour poursuivre l’étude et la pratique du bouddhisme qu’il a découvert à Tahiti, Pierre décide en 1988 de s’installer en Thaïlande. Il vit d’abord à Bangkok, puis de 1992 à 1997 à Hua Hin, au bord du golfe du Siam, et depuis 1997 à Chiang Mai, dans le nord de la Thaïlande. Depuis qu’il a quitté l’Europe en 1981, Pierre a toutefois passé presque tous les étés en France, d’abord à Musiège, et de 2007 à 2019 en Provence, à Cabrières d’Aigues, au sud du Luberon. En 2019, il a liquidé toutes les affaires qu’il avait en France et a vendu sa maison de Cabrières d’Aigues. Depuis, il n’est pas retourné en Europe, et ne pense pas y retourner. Il passe toutefois plusieurs mois au printemps à Khanom, une station balnéaire du Sud de la Thaïlande.

Genève : 1943-1975

Je suis né à Genève le 7 juillet 1943. Ma mère est artiste peintre et mon père homme de lettre ; ma sœur Isabelle naît en 1945. Je vis une enfance heureuse ; j’aime l’école – c’est la principale occupa­tion des enfants – et suis parmi les premiers de classe, sans beaucoup travailler. Je fais mes études secondaires au Collège de Calvin et passe ma maturité latine en juin 1962. 

Les loisirs, à Genève, sont centrés sur le lac et la montagne : ski et patinage l’hiver ; plage, voile, et randonnées en montagne l’été. Les vacances de Noël et de Pâques se passent à Verbier, pour le ski, celles d’été souvent à Crans-sur-Sierre. Dans les années 1950, nous partons en famille à la mer, en Espagne, encore peu fréquentée par les touristes à cette époque ; plus tard, nous visitons la France – Paris, les châteaux de la Loire, la Dordogne, la Provence – et les Pays-Bas. Je passe un été en Allemagne et un autre en Angleterre pour perfectionner mon allemand et mon anglais. À côté de l’école, je fais du théâtre avec mon père et de la peinture avec ma mère ; je joue du pipeau, puis de la clarinette ; j’aime le bricolage et les jeux de constructions comme le Mécano.

En été 1962, je fais l’école de recrue : quatre mois de service militaire obligatoire. En automne, je rentre en physique à l’université de Genève, mais trouve ces études trop arides et change l’année suivante pour l’École d’architecture (affiliée à l’époque à l’École des Beaux-Arts de Paris). Genève est une ville très internationale : la vie sociale et culturelle y est intense ; mes années d’études sont riches en découvertes, rencontres, voyages, vie nocturne, amitiés et relations amoureuses… Pendant cette période, je sors beaucoup et passe mes soirées dans les restaurants et les brasseries à refaire le monde. Les week-ends d’hiver, je vais skier avec un groupe d’amis ; l’été, je fais de la voile sur le lac et participe à des régates.

Je voyage beaucoup : Londres, Paris, la Côte d’Azur, l’Italie, l’Espagne, le Maroc ; je suis passion­né par l’art, l’architecture et les expositions de peinture. En 1964, je participe à un voyage d’étude au Mexique, organisé par les Beaux-Arts de Paris. En 1970, je présente mon diplôme d’architecte avec Jean-Marie Bondallaz : un projet de construction préfabriquée pour les bâtiments industriels. C’est le moment où éclate la première crise économique de l’après-guerre : les projets de construc­tion sont suspendus en Suisse et les architectes sont au chômage. En automne, je pars en voiture avec un ami pour un long voyage qui nous conduira jusqu’au Liban. 

À mon retour, un peu par hasard, je me lance dans les arts graphiques avec Albert Feurer, un ami peintre. En 1971, nous créons Cobama : une société de composition et de traitement de textes pour l’imprimerie offset. La composition sur bande magnétique – une nouvelle technologie qui utilise les premiers ordinateurs – va remplacer la composition en plomb ; elle n’en est qu’à ses débuts, mais a rapidement beaucoup de succès. Pour compléter le service de composition – à cette époque l’ordinateur ne produit que des textes bruts – nous créons un département de graphisme et de créa­tion publicitaire, puis, au fil des années, une maison d’édition et une imprimerie. Pendant cinq ans, je me familiarise avec tous les aspects des arts graphiques ; mais je me rends compte que le rôle de chef d’entreprise n’est pas ma vocation et je vends mes parts de la société en 1975. 

Musiège : 1976-1981

Je quitte Genève en 1976 pour m’installer en France, à Musiège : un petit village de Haute-Savoie situé à trente kilomètres de Genève et à vingt d’Annecy. En 1971, j’avais acheté avec Albert et sa femme Geneviève une ferme dans ce village ; nous y passions les week-ends et les vacances d’été et avions commencé des travaux de restauration. En 1975, je rachète les parts de mon associé et finis de restaurer la maison afin de pouvoir y vivre. Je demande un permis de séjour en France comme artiste peintre. Je ne reviendrai jamais vivre en Suisse. Il faut noter que les Suisses sont de grands voyageurs – peut-être parce qu’ils ont un petit pays sans accès à la mer. La Suisse est aussi le pays où le pourcentage des citoyens qui vivent à l’étranger est le plus grand : environ dix pour cent (contre une moyenne mondiale de trois pour cent et deux et demi pour cent en France).

En automne 1976, saturé de bricolage et de jardinage, je commence à peindre : d’abord des sujets figuratifs de la campagne savoyarde et des paysages de golf. C’est une nouvelle passion et je tra­vaille intensément. En 1978, je commence à exposer dans la région Rhône-Alpes et en Suisse. Pen­dant cette période, je fais de nombreux voyages d’étude, en Europe d’abord, puis aux États-Unis et en Amérique du Sud : les visions que je découvre donnent une nouvelle inspiration à ma peinture. Je participe aussi à des concours de sculpture et de design, et renoue avec l’architecture. Je colla­bore à divers projets, en Suisse et en France – principalement des restaurations – avec un couple d’architectes de Genève. 

En 1976, je commence à jouer régulièrement au golf, à Annecy puis Aix-les-Bains. C’est une autre passion : je participe à des compétitions le dimanche, je joue des parties amicales le mercredi et le samedi ; je fais rapidement des progrès. Comme le club de golf d’Aix-les-Bains est ouvert toute l’année, je pars moins souvent skier avec mes amis de Genève. Je trouve de nouveaux amis au golf, et même si je vais souvent à Genève, ma vie sociale devient plus française que suisse : je suis content de me détacher de mon passé suisse. Ma mère meurt tragiquement dans un accident de la route en 1978 et je perds mon père l’année suivante. Je fais un héritage qui me permet de moins me soucier du revenu de mes activités ; mais il restera une préoccupation récurrente dans ma vie. 

Arizona : 1981-1984

Lors de mes nombreux séjours aux États-Unis, entre 1978 et 1981, j’ai découvert l’art contemporain américain, très florissant à cette époque : en particulier la peinture et l’architecture. Si j’ai séjourné surtout à New York, San Francisco, Los Angeles et Miami, j’ai visité les musées et les chefs-d’œuvre d’architecture moderne de nombreuses grandes villes américaines : Philadelphie, Boston, Washington, Dallas, Houston, Denver, Las Vegas. À cette époque, j’étais fasciné par la vie et la culture américaines. 

En automne 1981, une amie me parle de Scottsdale, en Arizona ; c’est un des principaux centres artistiques des États-Unis, me dit-elle, situé au milieu du désert. Content de quitter les longs hivers dans ma maison mal isolée et mal chauffée de Musiège, je pars pour l’Arizona à fin 1981 et loue une villa à Paradise Valley, près de Scottsdale. Je suis tout de suite séduit par la lumière, la chaleur sèche, les grands ciels sans nuages et les paysages du désert : les rochers, les canyons, les étendues arides où les cactus saguaro se dressent comme des chandeliers au-dessus de maigres arbustes translucides. 

Pendant mon séjour en Arizona, je peins beaucoup : des grandes toiles, comme c’est la mode dans ce pays. J’expose plusieurs fois, mais sans beaucoup de succès. Je fais aussi de l’architecture et des projets de sculptures monumentales en association avec mes amis architectes de Genève. Pour obte­nir un permis de séjour et de travail aux États-Unis, nous avions créé une succursale du bureau d’architecture de Genève. Mais les résultats ne sont pas beaucoup plus brillants que pour la pein­ture : je constate une fois de plus que les affaires ne sont pas mon fort. J’ai par contre beaucoup de plaisir à créer : je dessine des meubles et des lampes, je participe à des concours de sculpture, je fais de la photo.

En 1982, lors d’un séjour en France, je rencontre Brenda, poète et écrivain anglaise. Elle me suit en Arizona. C’est avec elle que je crée mon premier livre : Rocks ; elle écrit les textes et je peins une série de tableaux sur les rochers, les canyons et les formations géologiques d’Arizona. Mais nous nous séparerons avant d’avoir réussi à publier notre livre. C’est à cette époque que je commence à lire en anglais et achète mes premiers livres sur la spiritualité.

En décembre 1983, je passe des vacances avec Brenda en Polynésie française : nous sommes char­més par la vie de ces îles et décidons d’aller vivre à Tahiti. Je me rends compte que la vie amé­ricaine n’est pas le paradis que j’avais un temps espéré, et je pressens que le but de notre existence sur cette planète ne doit pas se limiter à une course effrénée après l’argent, les biens matériels et les plaisirs des sens. Le 29 février 1984, j’arrête définitivement de boire de l’alcool.

Tahiti : 1984-1988

Tahiti est une période heureuse, lumineuse et créative de ma vie. En même temps, c’est une sorte d’exil, ou de fuite, de l’Occident où j’ai vécu les quarante premières années de ma vie. Dans cette île perdue au milieu du Pacifique, aux antipodes de l’Europe, je me sens très dépaysé, comme dans un autre monde ; c’est bien ce que j’ai recherché. 

À Papeete, où fleurissent les centres et les mouvements spirituels, je rencontre mon premier maître : Madame Poinçon. Je commence à pratiquer assidûment le yoga et la méditation zen avec elle. Je dévore tous les livres que je trouve sur la spiritualité : bouddhisme, hindouisme, taoïsme, soufisme ; je découvre l’enseignement de Gurdjieff et celui de nombreux sages occidentaux. 

Je commence à écrire le Journal : mon fidèle confident depuis plus de trente-cinq ans. Extérieure­ment je suis toujours un peintre, mais intérieurement les livres et l’écriture prennent leur place.

En 1984, je décide d’étudier le chinois et me passionne pour la culture chinoise. C’est l’écriture chinoise qui m’attire, et me conduit en 1985 à Séoul pour étudier la calligraphie chinoise. L’année suivante, je fais un séjour à Taipei : je continue mes études de calligraphie et apprends aussi la peinture chinoise. Sur ma route, je visite la Thaïlande et la Malaisie, et tombe sous le charme de l’Asie. 

Entre ces premiers séjours en Asie, la vie tahitienne me convient très bien : je peins beaucoup, je fréquente un groupe d’amis sympathiques et j’explore les îles encore sauvages de la Polynésie. Je joue régulièrement au golf, fais de la planche à voile et des excursions en montagne, à pied ou à cheval. Le soir, je vais souvent sur la plage : je me baigne dans le lagon, regarde le coucher de soleil sur Moorea et, surtout, j’écris mon Journal.

Ma peinture évolue beaucoup pendant cette période, influencée par mes voyages en Asie, la calli­graphie et la peinture chinoise, et mes études spirituelles : elle passe du figuratif à des sujets symbo­liques qui préfigurent l’abstrait. Je fais chaque année des expositions qui ont du succès : c’est une période faste pour les peintres tahitiens.

En 1987, à la suite de la récession économique, l’ambiance paradisiaque de Tahiti commence à changer. Le 23 octobre, une émeute ravage Papeete : les manifestants brisent les vitrines, pillent les magasins et mettent le feu à plus de trente immeubles. La rumeur court à Tahiti que la France va abandonner la Polynésie. De nombreux commerçants et investisseurs liquident leurs affaires et partent en Australie et en Nouvelle-Zélande. 

De mon côté, je commence à me sentir isolé et loin du monde à Tahiti. Sur le plan spirituel et culturel, j’ai l’impression d’avoir fait le tour de ce que je peux découvrir et apprendre en Polynésie. Je suis attiré par l’Asie : j’ai envie de rencontrer les maîtres bouddhistes que je découvre dans mes lectures, et d’aller vivre dans des monastères ; mais je ne veux pas quitter Tahiti sur un coup de tête. En décembre 1987, je pars pour un long périple qui me conduit en Thaïlande, en Birmanie, au Népal et en Inde ; à Sarnath, j’assiste aux enseignements du Dalaï Lama. Je rencontre ensuite le bouddhisme theravada à Suan Mokkh : un monastère de la forêt du sud de la Thaïlande où je passe plusieurs mois. Ma décision est prise : je quitte Tahiti en août 1988 et m’installe à Bangkok en décembre ; sur le chemin, je fais un nouveau séjour en Inde et une retraite tibétaine d’un mois au monastère de Kopan, au Népal.

Bangkok : 1989-1991

Je vis pendant trois ans à Bangkok, période turbulente dans cette capitale en pleine transformation : des centaines de gratte-ciels et des autoroutes surélevées remplacent les jardins, les petites maisons et les canaux ; et les embouteillages sont une école de patience. Pour échapper à la vie bruyante et polluée de Bangkok, je pars souvent en retraite dans les monastères du Sud. 

La raison qui m’avait fait choisir Bangkok était mon désir d’apprendre le thaï ; pendant la première année, je vais à l’école tous les après-midi, mais sans beaucoup de succès ; je finis par y renoncer. Trente ans plus tard, malgré d’autres tentatives, mes notions de thaï sont toujours très rudimentaires.

Après les années tranquilles de Tahiti, je suis content de me plonger dans la vie active d’une grande capitale. Je sors beaucoup, visite des expositions, rencontre de nouveaux amis, reçois des visites, découvre Bangkok et la Thaïlande.

Dès mon arrivée à Bangkok, je reprends la peinture. Mes tableaux, inspirés par les enseignements de bouddhisme, deviennent plus abstraits. Je ne fais plus d’expositions, mais commence à utiliser mes peintures pour illustrer des livres : d’abord ceux d’Ajahn Buddhadasa, puis A Wisdom Gift, un livre de poèmes publié avec Erika Dias, poète du Sri Lanka. 

Ma vie spirituelle est très intense ; en dehors des retraites dans les monastères, je m’occupe des moines et de mes amis du Dharma lorsqu’ils viennent à Bangkok, je découvre les temples de Bangkok et les monastères de province, j’assiste aux enseignements des maîtres qui sont de passage à Bangkok, et je participe toutes les semaines aux réunions d’un groupe de Dharma.

En février 1990, je rencontre Ayya Khema, une nonne allemande de la tradition theravada. Elle devient mon principal maître et m’enseignera le Dharma et la méditation jusqu’à sa mort en 1997. Mon livre Le parfum de l’éveil raconte cette rencontre et ma première retraite avec elle en Australie. 

En mai, je pars pour un voyage de retour sur mon passé : Tahiti, la Californie, l’Arizona, la Floride, New York, Paris. En France, je retrouve le bouddhisme tibétain, découvert quelques années plus tôt à Tahiti puis au Népal. Lors d’un séminaire à Karma Ling, en Savoie, je rencontre Ariella, une charmante jeune femme passionnée par le bouddhisme tibétain : elle devient ma compagne et ma partenaire sur la voie spirituelle. Je découvre peu après le dzogchen – la doctrine suprême enseignée par l’école nyingma – lors d’une retraite d’un mois à Prapoutel, près de Grenoble, avec Sogyal Rinpoché et Dilgo Khyentsé Rinpoché. C’est la première d’une longue série de retraites dzogchen. 

En automne, je rejoins Ariella et son maître Lama Gangchen en Malaisie et en Indonésie. Au début 1991, je fais une retraite dzogchen avec Sogyal Rinpoché et une retraite de deux mois avec Ayya Khema en Australie. En avril, Ariella vient me rejoindre à Bangkok. Peu après, nous partons au Tibet ; ce sera le début d’une longue série de voyages sur le chemin spirituel : pèlerinages, retraites, enseignements, rencontres de maîtres et d’amis du Dharma. 


Hua Hin : 1992-1997

En janvier 1992, je m’installe avec Ariella à Hua Hin : une station balnéaire située sur le golfe du Siam, à deux cents kilomètres de Bangkok. C’est une petite ville tranquille ; calme la semaine et envahie le week-end par les gens de Bangkok. Il y a un grand marché, des restaurants de poissons au bord de la mer et une plage de huit kilomètres où nous nous promenons tous les soirs au coucher du soleil. 

Nous continuons à beaucoup voyager : Malaisie, Japon, Australie, Sri Lanka, Népal, États-Unis, Chine, Inde… sans parler des voyages en Thaïlande et en Europe. Nous faisons de nombreuses retraites : theravada avec Ayya Khema et Ajahn Sumedho, et dans les monastères du sud de la Thaïlande ; dzogchen avec Sogyal Rinpoché et Namkhai Norbu ; zen avec Harada Sekkei Roshi ; chan avec Master Sheng Yen.

Quand nous sommes à Hua Hin, nous allons régulièrement à Bangkok, où j’enseigne le bouddhisme et la méditation à un groupe francophone ; et nous participons toujours au groupe de Dharma.

Comme Ariella voyage souvent avec son maître, je retrouve régulièrement des périodes de calme et de solitude où je peux me remettre à peindre et à écrire. Toutefois, pendant cette période, je peins beaucoup moins, et le Journal est moins régulier ; j’écris surtout des Notes de Dharma. En août 1992, j’achète mon premier ordinateur.

J’illustre un second livre de poèmes d’Erika Dias, Oneness in Duality, et nous imprimons une nouvelle édition de A Wisdom Gift. La traduction française est publiée par un éditeur français. Je reprends la traduction du livre d’Ayya Khema commencée en Australie en 1991, Être une île : elle est publiée par le même éditeur. Je traduis aussi plusieurs ouvrages de bouddhisme tibétain : ces traductions, commandées par de vénérables lamas, ne seront jamais publiées ; et je tente de créer un réseau des traducteurs français du Dharma, sans beaucoup de succès. Je découvre à cette époque le fonctionnement du marché du livre, les intérêts commerciaux du monde de l’édition et le contrôle de la distribution des livres par les grosses compagnies. Je comprends qu’il ne suffit pas d’écrire ou de traduire des livres pour qu’ils soient publiés ; et que s’ils sont publiés, ils ne ressemblent souvent plus beaucoup aux manuscrits remis à l’éditeur.

Chiang Mai : 1997-2003

En décembre 1996, après une première séparation, Ariella part au Népal et je m’installe au Tao Garden : un nouveau centre taoïste créé par Mantak Chia près de Chiang Mai ; je décide peu après d’y acheter une maison. Il faut toutefois la construire. Je me passionne pour ce nouveau projet d’architecture et reste un an au Tao Garden. Je participe à d’autres projets d’architecture dans le cadre du Tao Garden et construis deux fontaines au bord de la piscine. En 1987, à côté des ensei­gnements et des pratiques taoïstes, je commence à étudier sérieusement le Yi Jing et l’ennéagram­me. Je retourne régulièrement à Hua Hin, où j’ai gardé la maison, et fais de fréquents séjours à Bangkok pour donner mes cours sur le bouddhisme et enseigner le Reiki (étudié en Californie en été 1996). 

Le chantier de ma maison devient peu à peu un cauchemar. À la fin de mon séjour au Tao Garden, je passe souvent mes soirées à Chiang Mai ; pendant cette période difficile, je trouve un grand soutien auprès d’un groupe de Raja Yoga, et de Dr Rungrat, qui dirige avec son mari une clinique de médecine traditionnelle chinoise. Quand la maison est presque terminée, en janvier 1998, je la mets en vente et quitte le Tao Garden. Je m’installe dans un appartement à Chiang Mai et y fais venir mes meubles et mes affaires restés à Hua Hin. L’épreuve du Tao Garden m’a épuisé, mais je suis libre de commencer une nouvelle vie. 

Dans les années suivantes, j’étudie le tarot, l’astrologie, le feng shui et le tai chi ; je participe à des séminaires de développement personnel, de qi gong, d’ennéagramme et de géométrie sacrée ; je reçois des formations d’animateur-conférencier, de relation d’aide et de Guérison angélique. Je commence à donner régulièrement des cours de Reiki et des séances de soins et de thérapie.

Je m’intéresse aussi au New Age, en particulier au travail de la lumière. Je participe à des rassem­blements de travailleurs de lumière et de prophètes, à des séances de canalisation et de guérison, et à toutes sortes de cérémonies et d’activités mystico-spirituelles. Dans ce milieu, je rencontre de nouveaux amis, à Chiang Mai, en France et sur l’internet.

Je peins des tableaux abstraits, inspirés par la lumière : ils donneront naissance aux Peintures de guérison. En 1999, je fais une exposition à Zurich, après plus de dix ans d’interruption. Je déve­loppe les concepts d’art extra-sensoriel et d’art total, et crée des installations de lumière. 

En 1998, je commence à étudier le piano et me remets au golf. Au début 1999, j’achète un nouvel ordinateur équipé de l’internet et du mail, et en avril je publie la première version de mon site Wisdomlight. Dans les années qui suivent, je découvre le Laos et le Cambodge, je fais deux pèleri­nages au Tibet, et des séjours aux États-Unis et au Québec pour suivre des stages.

Je continue à écrire régulièrement le Journal et, en 2002, j’écris et publie mon premier livre : Le guide du bonheur pour le troisième millénaire. L’année suivante, je le traduis et le publie en anglais. Les deux livres se vendent bien en Thaïlande. Mais les difficultés pour les distribuer et les vendre en Occident, et en particulier en France, me découragent dans mon nouveau rôle d’auteur et d’éditeur. Je trouve toutefois un distributeur en France qui le diffusera pendant quelques années, et j’entreprends une tournée de conférences sur le bonheur qui me permet d’écouler une partie de mon stock. À la suite de ces difficultés commerciales, les autres projets de livres entrepris sur la lancée se retrouvent dans un tiroir.

Chiang Mai et Cabrières d’Aigues : 2003-2019

Aux alentours de l’année 2003, plusieurs événements vont donner une nouvelle direction à ma vie : la mise en vente de la maison de Musiège, la rencontre avec Éric Baret et avec le Human Design, la perte d’un œil, le besoin d’écrire qui commence à prendre le pas sur celui de peindre.

En juillet 2002, je mets en vente la maison de Musiège. Mon idée, à ce moment-là, est d’aller vivre avec Ariella en Italie. Après notre séparation, elle s’est installée dans le centre de Lama Gangchen, au-dessus du lac Majeur. Nous étions restés en contact et nous nous sommes revus régulièrement à partir de 2001. La maison ne s’est pas vendue tout de suite : je quitte Musiège en août 2004 et mets mes affaires dans un garde-meuble. Entre temps, le projet d’aller vivre en Italie n’aboutit pas ; je pars sur une nouvelle idée : trouver, ou créer, une communauté. Après beaucoup de recherches et d’efforts, ce projet échoue aussi ; pour me montrer, sans doute, que je suis un solitaire. En été 2006, je décide de chercher une maison dans l’Hérault : je visite quarante-sept maisons ; nouvel échec. En septembre, je trouve par hasard la maison de Cabrières d’Aigues, dans le Luberon : je l’achète immédiatement. De 2007 à 2019, j’y ai passé tous les étés, de mai à septembre.

En 2002, je rencontre Éric Baret, un maître français du shivaïsme tantrique du Cachemire. Je retrouve dans cette tradition l’essence du zen et du dzogchen, que j’avais étudiés et pratiqués inten­sément entre 1984 et 1997. À partir de 1997, j’ai traversé une période New Age : j’ai plus ou moins laissé tomber le bouddhisme et me suis dispersé dans toute une série de stages et de formations, plus dans les domaines du développement personnel et de la thérapie que de la spiritualité. Avec Éric Baret, je retrouve une voie spirituelle directe, dépouillée de rituels et de religiosités. Je m’o­riente dorénavant plus vers l’hindouisme que le bouddhisme. Je rencontre Amma au Kerala en 2004 ; je lis les livres de Jean Klein, le maître d’Éric Baret, et ceux de Daniel Odier ; en 2012, sur l’internet, je rencontre Mooji, un maître de l’advaïta vedanta : les vidéos de ses satsangs deviennent une source quotidienne d’inspiration.

Je découvre le Human Design en 2004. Je suis tout de suite séduit par ce système : j’y retrouve le Yi Jing et l’astrologie, et décide de commencer à l’étudier. Je recherche les livres, publications et enregistrements disponibles sur le marché, puis explore l’internet : j’y rencontre Zeno et Richard Rudd. Je prends un cours par correspondance avec Zeno, et me passionne dès le début pour les recherches de Richard Rudd sur les clés génétiques (Gene Keys) et le Spectre de la conscience. J’étudie par la suite la Voie dorée (Golden Path) et la Séquence de Vénus (Venus Sequence) de Richard Rudd, ainsi que le Human Design Intégral de l’Autrichien Werner Pitzal. C’est surtout en autodidacte que j’étudie le Human Design. Je m’efforce de faire une synthèse des différentes appro­ches, en tirant l’essence de chacune d’elles ; et j’aborde la lecture des thèmes avec une vision plus intuitive que dogmatique.

Je perds un œil en 2003. Cet accident de santé m’oblige à ralentir mon rythme effréné. Comme je ne peux plus conduire de longs trajets, je reste tranquillement chez moi à vaquer à mes petites acti­vités. J’attends que mes amis viennent me voir plutôt que de courir les routes, ou le monde, pour leur rendre visite ; nous nous rencontrons de plus en plus souvent sur Skype. Je cesse de voyager, à part mes allers et retours annuels entre la Thaïlande et la Provence. 

Dans mes études, je ne me limite pas au Human Design ; je lis beaucoup et je continue à suivre des stages : olfactothérapie, Yi Jing, communication non violente, constellations familiales, psycho­généalogie, chromothérapie, PMT, Craniosacral. Comme je me déplace moins, je participe à des séminaires sur l’internet, et je suis les enseignements de mes maîtres en vidéo sur YouTube. À côté des séances de Human Design, je donne toujours des cours de Reiki, et des séances de PMT et de Yi Jing ; mais souvent à distance sur Skype.

Après la publication du Guide du bonheur et de sa traduction anglaise en 2002 et 2003, l’écriture commence à prendre une plus grande place dans ma vie, et à rivaliser avec la peinture ; je ne me contente plus d’écrire mon Journal. Dans les années qui suivent, je commence à saisir les soixante-quinze cahiers manuscrits du Journal, avec l’idée de le déposer à l’APA ; et je mets en route de nouveaux projets de livres. J’aimerais publier un livre par année. En 2009, je publie un livre illustré sur ma peinture, Peinture peintures, et Le parfum de l’éveil, un extrait de mon Journal sur une retraite de méditation en Australie avec Ayya Khema, et je dépose le premier épisode du Journal à l’APA. En 2010, je publie Le jardin de la libération, un deuxième extrait de mon Journal, l’année 1988, quand je quitte Tahiti pour m’installer à Bangkok. En 2011, je publie Le silence des couleurs, un recueil de poèmes, et en 2014 mon premier roman, Marlène ou le jeu de la vie, que j’avais commencé à écrire en 2007. À partir de 2013, j’écris régulièrement des Réflexions, de courts textes qui remplacent les Notes de Dharma et deviennent, maintenant que je ne voyage plus et sors peu, une sorte de journal intérieur.

Entre 2014 et 2016, je termine la correction du Journal et en dépose les 22 épisodes à l’APA. La troisième étape de mon Journal, après son écriture et sa correction, sera d’en tirer la quintessence. Je commence à sélectionner de courts extraits du Journal, ainsi que des Notes de Dharma et des Réflexions, que j’appelle Regards, sur ma vie, et sur la vie. Il y en a déjà plus de 500. Je les poste sur mon blog créé en 2016 et en publie deux recueils, Regarder la vie 1 et Regarder la vie 2, en 2018 et 2019. J’ai l’impression que l’essence du Journal est l’essence de ma vie, et peut-être aussi l’œuvre de ma vie. J’envisage de consacrer la fin de ma vie à la peaufiner et faire une compilation de mes Regards les plus éclairés, afin que d’autres soient inspirés à poser eux aussi de nouveaux regards sur la vie. 

Après la grande série des Peintures de guérison, peintes entre 2000 et 2005 (plus de 200 tableaux et 100 cartes de guérison), je peins entre 2006 et 2009 les Peintures tantriques et les séries SilenceMouvance et Mutation, et, en 2009, une série de 70 petits tableaux, Poèmes de couleurs. Je peins moins depuis 2010, mais j’accroche les nombreux tableaux que j’ai en stock dans divers lieux : éco­les de yoga et de musique, cabinets de thérapie, agences de voyage, bureaux d’accueil des Missions locales… Et, depuis 2007, je participe chaque été à des expositions en Provence. Pour mes deux dernières grandes expositions au Presbytère d’Ansouis, en 2014 et 2016, je peins une série de 60 tableaux appelés Plénitude, et en septembre 2019, juste avant de quitter la France, j’en termine une douzaine qui étaient restés inachevés. Je considère que ces tableaux Plénitude sont, et peut-être res­teront, le message ultime de ma peinture.

Entre 2013 et 2019, je continue à donner régulièrement des séances de Human Design et à étudier souvent intensément les Gene Keys et la Voie dorée de Richard Rudd. Je continue aussi à enseigner le Reiki, mais ai cessé de voyager pour faire des stages et apprendre de nouvelles techniques. Sur le plan spirituel, je lis toujours Éric Baret et d’autres maîtres du shivaïsme du Cachemire comme Da­niel Odier et Jean Bouchart d’Orval. Je m’intéresse pendant plusieurs années à la non-dualité (ad­vaïta vedanta), je lis Jean Klein, Poonjaji et Nisargadatta Maharaj, me passionne pour les enseigne­ments en vidéo de Mooji, Bentinho Massaro et Armelle Six, et assiste régulièrement, en Provence, aux séances du mercredi soir du moine Gojo. Mais je m’éloigne peu à peu de la non-dualité et re­viens au bouddhisme. Je participe parfois aux séances de méditation du centre theravada du Refuge, prés d’Aix-en-Provence, où je rencontre Ajahn Thanissaro, un moine bouddhiste de cette tradition. Depuis, je lis tous les jours un ou deux des courts enseignements qu’il donne dans son monastère de Californie, et en 2019, je fais une retraite de méditation de dix jours avec lui dans le monastère de Ségriès en Provence. Pendant ces années, je découvre aussi Almaas, le physicien Nassim Haramein, Swami Vishwananda et Gabriel Lesquoy, qui m’accompagne en 2017 dans un processus de nourriture pranique de 3 semaines.

En 2014, je commence à ressentir que l’entretien de ma maison de Cabrières d’Aigues devient trop lourd physiquement. En 2015, je commence à trier mes affaires, celles que j’avais accumulées depuis plus de 40 ans. En 2018, je me mets sérieusement à leur dissolution, et, pendant l’été 2019, je me sépare de toutes les possessions matérielles que j’ai en France, dont plus de 600 tableaux que je vends à un marchand, et des centaines de livres. Et je vends la maison où j’avais passé tous mes étés depuis 2007. À mon retour à Chiang Mai, fin septembre, je décide, bien avant l’épidémie du Covid-19, de ne pas venir en Europe en 2020. J’ai encore une centaine de tableaux et quelques centaines de livres à Chiang Mai, mais, là aussi, j’ai déjà commencé un processus de dissolution. Il ne restera bientôt que mes possessions virtuelles, la mémoire de mon ordinateur, qui contient tous mes écrits, les photos de mes tableaux, et des dizaines de milliers d’autres fichiers. Je laisserai pro­bablement à la mort le soin de m’en séparer…

Chiang Mai et Khanom : 2020-2024

Depuis la vente de ma maison de Cabrières d’Aigues en 2019, je ne suis pas retourné en Europe, et je ne crois pas que j’y retournerai un jour. Moi qui ai toujours été un grand voyageur, depuis quelques années, les voyages me stressent et me fatiguent, et je n’ai plus envie de voyager.

Depuis 2020, toutefois, je vais passer quelques mois à Khanom, une station balnéaire du Sud de la Thaïlande, qui n’est pas trop touristique et considérée comme un paradis caché (lire l’article sur https://nemoguides.com/fr/thailande/khanom/). J’y vais de février à avril, pendant la période où Chiang Mai devient une des villes les plus polluées du monde. Chiang Mai est située dans une cuvette, et, pendant la saison sèche et chaude (il y fait souvent plus de 40°), la pollution de microparticules s’accumule au-dessus de la ville. Elle est causée non seulement par les véhicules à moteur de cette cité de plus d’un million d’habitants, mais aussi par les brûlis, un système agraire très répandu en Asie du Sud-Est. C’est une tradition millénaire qui consiste à brûler les champs et les sous-bois pendant la saison sèche, ce qui fertilise les terres et facilite la pousse des champignons dans les forêts. Comme cette pollution est très nocive pour la population et crée de graves problèmes pulmonaires, le gouvernement a tenté depuis de nombreuses années d’interdire les brûlis. Il y est parvenu dans l’enceinte de la ville, mais pas dans les campagnes et les montagnes, où un défrichage manuel ou mécanique serait trop coûteux, et où les habitants sont très attachés à leurs traditions. La meilleure solution, si on en a la possibilité, est de quitter Chiang Mai pendant cette période. La saison des pluies commence entre mi-avril et fin mai, et, en quelques semaines, la pollution est complètement nettoyée.

À Chiang Mai, ces dernières années, j’ai commencé à trier et dissoudre mes possessions matérielles. J’ai entrepris aussi la dissolution des fichiers de mon ordinateur. 

En 2023, j’ai eu 80 ans. Ce fut un passage difficile, que j’ai perçu comme le début de la vieillesse et d’une vie oisive. Ma santé commence à se détériorer, et je souffre depuis plusieurs années de tremblements des mains, qui s’aggravent, et m’empêchent d’effectuer, ou rendent difficiles, tous les travaux manuels précis. Je ne peux plus peindre ni écrire à la main, et le bricolage devient laborieux. Je peux heureusement encore taper sur un clavier, même si c’est de moins en moins facile. Moi qui ai toujours été très actif dans ma vie, je me sens réduit par l’âge à une oisiveté qui me convient mal. Je devrais pourtant m’en réjouir, car c’est une incitation à pratiquer le wu wei, le non-agir des taoïstes, auquel je rêve depuis des années.

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